Hier accusé d’aveuglement, le Fonds monétaire international est aujourd’hui brandi comme témoin de moralité par ceux-là mêmes qui dénonçaient sa complaisance.
Dans le grand procès de la dette cachée, le FMI n’était pas spectateur. Il siégeait bel et bien sur le banc des accusés.
« Ils ont leur part de responsabilité dans la situation dont nous avons hérité parce qu’ils ne peuvent pas venir chaque année, faire des revues, conduire des staff-visits et ne rien voir d’aussi gros », déclarait, sans trembler, le Premier ministre, lors du lancement du Plan de Redressement Économique et Social (PRES), le 1ᵉʳ août 2025.
L’institution de Bretton Woods était alors renvoyée à ses propres défaillances. Comment a-t-elle pu valider des programmes, certifier des comptes, accompagner des budgets, sans détecter une montagne d’engagements financiers dissimulés sous les bilans ?
Ironie du sort, quelques semaines plus tard, c’est ce même FMI qu’on convoque à la barre, non plus comme accusé mais comme témoin à charge contre le passé.
Celui qu’on jugeait coupable d’aveuglement devient subitement la caution morale d’une vérité budgétaire.
Hier suspecté d’avoir fermé les yeux, il est aujourd’hui brandi comme celui qui « a vu ».
Hier blâmé pour sa complaisance, il est désormais célébré pour sa confirmation.
La boucle est donc bouclée. L’accusé devient témoin, et l’institution jadis discréditée devient juge de la crédibilité nationale.
Revenons au pays, après ce voyage aussi stratégique que fébrile à Washington.
Que savent, au juste, les Sénégalais de cette dette qu’on dit « hidden » ?
Quelle en est la nature, les montants, les acteurs ?
Derrière les formules diplomatiques, la réalité économique reste brumeuse.
Le cabinet Forvis Mazars, mandaté pour auditer la dette publique, a-t-il livré toutes ses conclusions ?
Où s’arrêtent les constats comptables et où commencent les justifications politiques ?
Et surtout, quelle lecture commune le gouvernement et le FMI ont-ils désormais de cette dette ?
L’un parlant de « découverte », l’autre de « clarification », chacun trouvant dans la sémantique un abri commode à la complexité des chiffres.
Pendant ce temps, le peuple observe, sommé de croire sans voir, de suivre sans comprendre, de s’émouvoir sans chiffres.
On lui dit qu’une dette a été cachée, puis révélée, puis confirmée mais jamais expliquée.
Dans ce théâtre budgétaire à multiples actes, la vérité des comptes semble toujours en coulisses.
C’est le peuple sénégalais qui reste le grand spectateur ou le grand oublié d’une vérité financière encore en clair-obscur.
Thierno Bocoum
Président AGIR-LES
LEADERS
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