Dakar, 18 déc. 2025 (VIBRACTU) – Le lundi 15 décembre 2025, au grand parking de l’ARTP, rien n’avait changé. Le même boubou deux pièces, porté avec cette élégance tranquille qui lui est propre. Le même sourire, franc, lumineux. Et surtout cette façon de saluer, empreinte d’une chaleur sincère, presque fraternelle.
Ce jour-là, Pape Ciré Cissé se rendait au Bâtiment A de l’ARTP, où un rendez-vous l’attendait pour une interview, à quelques jours de son départ officiel à la retraite.
Quelques mots échangés, presque anodins. Pourtant, une évidence s’imposait déjà : l’ARTP s’apprêtait à perdre l’une de ses grandes figures.
Car Pape Ciré Cissé, PCC pour les intimes, c’est d’abord une carrière professionnelle exceptionnelle, construite sur plus de trois décennies de rigueur, de constance et de loyauté au service du secteur des télécommunications.
Ingénieur en télécommunications, option radiocommunication, diplômé de l’Odessa National Academy of Telecommunications, titulaire d’un Master of Sciences (MSc.), d’un MBA international Paris Dauphine ; Panthéon-Sorbonne ; CESAG, et d’un Master professionnel en Régulation et Politique des Télécommunications/TIC de l’UIT Academy, il appartient à cette génération de bâtisseurs dont la compétence repose sur un socle académique solide et une expérience de terrain rare.
Son parcours professionnel débute notamment à la SONATEL, où il est responsable de l’ingénierie et de la planification du spectre, avant de rejoindre l’ARTP dès les premières années de structuration de la régulation au Sénégal.
À l’Autorité, il occupe successivement des fonctions clés : Directeur des Radiocommunications, Directeur du contrôle du spectre, du trafic et de la qualité de service, puis à nouveau Directeur des Radiocommunications, avant d’être nommé Conseiller spécial du Directeur général en fin de carrière.
À travers ces responsabilités, il a été l’un des architectes techniques majeurs de l’ARTP. On lui doit notamment la conception et la mise en œuvre du SIGAF, du Centre national de contrôle des fréquences (CNCF) et des centres régionaux de contrôle, la structuration du Plan national des fréquences (PNF), du Tableau national d’attribution des bandes de fréquences (TANAF), ainsi que l’élaboration des normes nationales et des guides tarifaires liés à l’exploitation du spectre.
Mais Pape Ciré Cissé n’est pas seulement un homme de projets. Il est aussi un homme de transmission.
À l’École supérieure multinationale des télécommunications (ESMT), il a formé des générations d’ingénieurs sur le spectre des fréquences, la régulation, la propagation radio et la cartographie appliquée aux radiocommunications.
Pédagogue exigeant mais accessible, il a toujours su rendre intelligible la complexité technique, convaincu que la compétence ne vaut que si elle se partage.
Certains, pourtant, ont parfois perçu chez Pape Ciré Cissé une grande réserve, presque une distance. Cette impression existe. Elle est réelle. Mais elle ne dit pas tout.
Derrière cette retenue se cache une profonde pudeur humaine : la crainte de blesser, de vexer, d’humilier. Une peur sincère, presque protectrice, qui l’a souvent conduit à mesurer ses mots, à préférer le silence à l’éclat, la discrétion à l’exposition.
Cette réserve est moins un retrait qu’une forme de délicatesse. Elle explique aussi pourquoi, par moments, il pouvait se sentir gêné, voire mal à l’aise, face à un public trop nombreux. Non par faiblesse, mais par respect de l’autre.
Sa stature dépasse largement le cadre national. Expert sollicité par les Nations Unies, l’UIT, la Banque mondiale et de nombreux régulateurs africains, il a conduit ou supervisé des missions au Bénin, au Tchad, en Gambie, en Guinée, en Guinée-Bissau, aux Comores, et bien au-delà.
Il a été président de commissions techniques, chairman de réunions régionales de l’UIT, paneliste dans les plus grands forums internationaux, et acteur clé du processus de migration vers la télévision numérique terrestre en Afrique.
À l’international, il impose le respect par sa maîtrise des normes, sa parfaite connaissance des recommandations de l’UIT et sa capacité à dialoguer d’égal à égal avec les meilleurs experts mondiaux.
À l’ARTP, il était tout simplement incontournable. Une référence. Une mémoire technique. Un repère.
Ce qui force l’admiration, au-delà du parcours, c’est la posture : l’humilité du grand technicien, l’acceptation sereine de l’autorité, la loyauté institutionnelle, la rigueur sans arrogance.
Pape Ciré Cissé n’a jamais cherché la lumière, mais il a durablement éclairé l’institution.
Aujourd’hui, alors qu’il s’apprête à faire valoir ses droits à la retraite, l’ARTP ne perd pas seulement un cadre. Elle voit partir un pilier, un serviteur de l’État, un homme dont les belles années continueront de vivre à travers les structures, les procédures et les compétences qu’il a contribué à bâtir.
La retraite n’est pas une fin. C’est la reconnaissance silencieuse d’un héritage solide.
À l’heure d’ouvrir ce nouveau chapitre de sa vie, nous lui souhaitons, collectivement et avec une profonde affection, une retraite paisible et sereine, à l’image de la carrière exemplaire qu’il a offerte à l’ARTP et au service public.


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