Dakar, 3 nov. 2025 (VIBRACTU) – Samedi 1er novembre 2025. Camp Abdou Diassé, Dakar.
Le soleil tape fort sur la terre battue du stand de tir. Dans l’air flotte une odeur de poudre et de métal, ponctuée par le claquement sec des détonations. Teuf ! Teuf ! Teuf !
Trois agents de la BIP, en tenue sobre, s’exercent non loin, visages fermés derrière leurs lunettes de protection. À quelques mètres d’eux, une autre silhouette attire l’attention. Plus calme. Plus posée. Casque antibruit vissé sur les oreilles, équipement de tir bien ajusté, Amar Diouf se tient droit, concentré, immobile… comme suspendu entre souffle et silence.
Devant lui, une cible blanche à dix mètres. Il inspire, bloque un instant, puis presse la détente. Tac !
La balle frappe le centre, ou presque. Un léger mouvement de tête, imperceptible, signe qu’il analyse déjà le tir.
Chez lui, rien n’est laissé au hasard. Chaque coup est une leçon, chaque erreur une marche vers la perfection.
Ce samedi, jour de Toussaint, la plupart des tireurs sont restés chez eux. Pas Amar. Il est venu seul, avec ses munitions et ses cibles. Le club Keew, auquel il appartient, n’a rien organisé ce jour-là. Mais lui, il ne peut pas s’en passer. « C’est la passion », glisse-t-il entre deux séries, un sourire discret sous la visière.
Dans quelques heures, il s’envolera pour le Caire, en Égypte, pour les Championnats du monde de tir sportif. Sa deuxième participation, après Munich en 2019. Cette fois, il veut faire mieux, aller plus loin, affiner ses derniers réglages techniques et mentaux.
Fils d’un officier de l’armée de l’air, Amar a grandi dans un environnement où les armes étaient omniprésentes. Mais ce n’est pas la puissance du feu qui l’attire : c’est la maîtrise qu’elle exige. Le calme au milieu du vacarme.
« Le tir, c’est comme une école de soi », confie-t-il. « Si tu trembles à l’intérieur, le tir le montre tout de suite. »
Le coach de l’équipe nationale de tir sportif, Waly Faye, confirme : « Amar est un perfectionniste. Toujours précis, toujours à l’écoute. Même après un bon tir, il veut comprendre comment faire encore mieux. »
Son entraîneur au club Keew, Yezid, partage le même regard, avec une touche d’admiration :
« Amar est un homme ouvert, toujours le sourire aux lèvres, mais animé d’un amour profond pour la perfection. Parfois même, quand il réalise d’excellents résultats, il se pose des questions. Il se dit : c’est un bon tir, oui, mais comment faire encore mieux ? Il veut toujours aller plus loin. »
Yezid reconnaît toutefois que la carrière d’Amar a connu un léger coup d’arrêt à cause de ses nombreux déplacements :
« À un moment donné, il faisait souvent la navette entre la France et le Sénégal pour des contraintes professionnelles. Il est resté un temps sans s’entraîner, sans compétir, et ça l’a un peu freiné. Mais malgré cela, il fait partie des meilleurs tireurs du Sénégal. Et le meilleur reste à venir pour lui. Il a vraiment les capacités de faire encore plus, il lui manquait juste de la régularité dans les entraînements. Et s’il est aujourd’hui en équipe nationale, c’est parce qu’il le mérite », conclut Yezid.
Depuis deux mois, il s’entraîne quatre fois par semaine avec l’équipe nationale. Mais il en fait souvent davantage. En solitaire, dans le grondement régulier des armes automatiques de la BIP, il affine sa respiration, son endurance, son mental. Entre deux séries, il retire son casque, salue les agents d’un signe de tête, puis se remet en place, calme, concentré.
Licencié au club Keew, il n’oublie jamais de remercier son président, Babacar Guèye, « un vrai guide, un bon père de club », dit-il. Il exprime aussi sa gratitude envers les forces de défense et de sécurité qui l’accueillent dans leurs installations : « Les résultats qu’on obtient, c’est grâce à eux. Ils nous traitent comme des frères. »
Pour Amar Diouf, le tir dépasse la compétition. C’est une école de rigueur, une famille, un équilibre. Et quand il s’envolera vers le pays des pharaons, il le fera avec cette même attitude : calme, discipline, détermination.
Parce qu’au fond, son vrai adversaire n’est pas la cible. C’est lui-même. Et chaque tir est un dialogue entre le souffle et la volonté.
Pour d’autres, le dix sur dix est une fin. Pour Amar, ce n’est qu’un début…, une nouvelle exigence, un nouveau seuil à franchir.
Dans son monde, la perfection n’est jamais atteinte, elle s’approche, se mérite, se travaille. Coup après coup, souffle après souffle.
Et c’est peut-être là que réside tout son secret : viser juste, non pas pour toucher le centre… mais pour s’en approcher toujours mieux.


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